“Deux pionniers marseillais de la vapoteuse au chanvre demandent la relaxe en France” le parisien, 06/10/2021
Condamnés en 2018 à des peines de prison avec sursis, les deux trentenaires reviennent en appel avec une décision de la Cour de justice de l’Union européenne rappelant à la France qu’elle ne peut s’opposer à la commercialisation du cannabidiol.
« J’attends d’être reconnu comme un entrepreneur, pas comme un délinquant », explique Sébastien Béguerie, en marge d’un procès en d’appel à Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône). Il est l’un des deux inventeurs de la vapoteuse au chanvre. Antonin Cohen-Adad et lui ont réclamé mercredi leur relaxe en France, forts d’une décision de la Cour de justice de l’UE rappelant à la France qu’elle ne peut s’opposer à la commercialisation du cannabidiol (CBD), une molécule réputée antidouleurs.
Alors qu’en 2018, le parquet général d’Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône) avait requis la condamnation de Sébastien Beguerie, 37 ans, et d’Antonin Cohen-Adad, 35 ans, à quinze mois de prison avec sursis, l’avocat général Pierre-Jean Gaury a, cette fois, entrouvert la voie à une relaxe. Il a invité la Cour d’appel à « tirer les conclusions » de la décision de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE).
En décembre 2014, les deux trentenaires avaient lancé la commercialisation de Kanavape, la première vapoteuse au chanvre. Leur cigarette électronique contenait une huile fabriquée en République tchèque avec la totalité de la plante cannabis sativa (chanvre), y compris ses fleurs. Un arrêté d’août 1990 n’autorise le cannabidiol en France que si cette molécule est extraite des seules graines et fibres.
Le tribunal correctionnel de Marseille avait condamné, le 8 janvier 2018, Sébastien Beguerie à 18 mois de prison avec sursis et Antonin Cohen-Adad à quinze mois de prison avec sursis. Amenée à les rejuger, la cour d’appel d’Aix-en-Provence avait sollicité l’avis de la CJUE sur la compatibilité de la réglementation française avec celle de l’UE.
« Aucun effet nocif sur la santé humaine »
Dans un arrêt du 19 novembre 2020, les juges européens ont rappelé qu’à la différence de tétrahydrocannabinol (THC), la molécule du cannabis sativa aux effets psychoactifs, le CBD, ne peut pas être considérée comme un stupéfiant, n’ayant « aucun effet psychotrope ni d’effet nocif sur la santé humaine » et que la France ne peut donc pas interdire sa commercialisation.
Sébastien Beguerie est également poursuivi pour détention de stupéfiants, quelques grammes d’herbe de cannabis ayant été découverts chez lui et au siège de Catlab, leur société. « Si on sort de cette procédure avec une condamnation pour usage parce qu’on a découvert quelques grammes par-ci par-là, sans analyse ni pesée du produit, est-ce que ce serait juste ? », a questionné Me Xavier Pizarro, son avocat.
Un marché alors balbutiant
Celui-ci a fait remarquer que le CBD, « produit parfaitement inoffensif, est aujourd’hui distribué dans 1 500 boutiques, dans un tiers des débits de tabac et sur des sites en ligne. Et même, des pharmaciens vendent des tisanes » en France, a lancé l’avocat à son confrère représentant l’Ordre national des pharmaciens, partie civile tout au long de cette procédure.
La défense a mis l’accent sur le sort réservé à ces deux chefs d’entreprise qui, avant tout le monde, avaient eu l’idée de se positionner sur un marché à l’époque balbutiant en anticipant l’essor du CBD. « Au lieu d’avoir des prévenus devant un tribunal, nous aurions dû avoir des chefs d’entreprise dans leur bureau marseillais », a lancé Me Pages. Les deux prévenus sont aujourd’hui encore dirigeants d’entreprise : Antonin Cohen-Adad en Espagne et Sébastien Béguerie en République tchèque où il développe l’huile de CBD.